GROSSESSE ACTIVE

Entretien avec Josée Bélanger, athlète, active et enceinte de 30 semaines

Médaillée olympique, elle a successivement occupé le poste d’attaquante, puis de défenseure, sur une période de sept ans pour l’équipe canadienne de soccer féminin. Elle a mené une carrière professionnelle qui lui a permis de jouer sur la scène internationale.

Josée Bélanger est maintenant retraitée et copropriétaire du centre de CrossFit Pro1 avec son conjoint, Roch Proteau. L’entrainement continue d’occuper une place centrale dans le quotidien de la diplômée en kinésiologie de l’Université de Sherbrooke. Et ce, même si elle vit présentement sa toute première grossesse !

Enceinte de 30 semaines au moment de notre entretien, Josée nous livre ses stratégies afin de conjuguer vie (très) active et grossesse sécuritaire.

Josée Bélanger représentant le Canada lors d’une partie internationale, à Vancouver, en juin 2014.

Comment fais-tu pour continuer à t’entrainer alors que tu es enceinte ?

« Tout d’abord, il faut savoir que j’ai suivi une formation continue en périnatalité pour m’outiller. Je voulais pouvoir mieux encadrer la femme enceinte dans son entrainement. »

Josée mentionne que comme le corps subit plusieurs changements avant d’accueillir un petit être dans son ventre, il est important de connaître les contre-indications, mais également les exercices à prioriser afin de prévenir les douleurs et les blessures. On doit en premier lieu sensibiliser la femme enceinte quant à la prévention de la diastase . Dès qu’elle apprend qu’elle est enceinte, sa priorité n’est plus le renforcement des grands droits de l’abdomen, mais bien l’allongement ce ceux-ci.

Pour sa part, considérant qu’elle a une musculature plutôt tonique, elle a éliminé les exercices de grands droits un mois avant la conception de son enfant, privilégiant davantage le travail des muscles abdominaux profonds. Elle a également privilégié le renforcement des muscles du plancher pelvien, des transverses et des obliques, un travail nécessaire pour supporter les viscères (pour éviter l’incontinence, par exemple !). Autrement, dans l’objectif de limiter les douleurs au bas du dos, elle a favorisé le travail entourant une bonne posture et le bon fonctionnement du bassin.

Dans la pratique, comment se traduisent ces précautions ?

« J’évite certains exercices comme les crunchs et les flexions du tronc vers le bassin. Au CrossFit, ça veut dire qu’on élimine également certains redressements assis (les GHD sit-ups) et les toes-to-bar. »

Son approche consiste à continuer de bouger, mais à ajuster son entrainement au fil des semaines, selon les changements qui se produisent dans son corps.

Josée Bélanger, médaillée olympique

Considérer sa condition physique prégrossesse

Selon Josée, ce qui est important, c’est de considérer le type d’entrainement et d’activités physiques pratiquées avant de tomber enceinte. Éventuellement, et ce, dépendamment de nos habitudes prégrossesse, on doit éviter les sauts, la course à pied et réduire les charges utilisées.

« Les écrits semblent appuyer qu’une femme habituée de courir – et supposant qu’elle a un engagement optimal des muscles abdominaux profonds – pourrait décider de poursuivre cette pratique jusqu’à la 24e semaine selon son confort. Alors qu’une femme qui ne serait pas habituée de courir, mais qui décide de se mettre à la course lors de sa grossesse s’expose à des blessures ligamentaires. Ainsi, on ne peut dire que la grossesse est le meilleur moment pour commencer la course. »

Ajuster selon son confort

Éventuellement, le ventre commence à prendre plus de place. Josée stipule qu’il faut alors procéder à certains ajustements, notamment au niveau de nos angles des mouvements. Il se peut qu’on ne puisse plus se pencher autant vers l’avant et c’est tout à fait normal. Il y a tout de même moyen de modifier les exercices et la manière qu’on les exécute afin d’arriver à travailler de façon sécuritaire.

Par exemple, autour des semaines 28 à 30, il est suggéré de diminuer les squats complets puisqu’ils tendent à imposer une hyperpression sur le plancher pelvien, ce dernier étant déjà surchargé par le poids de notre ventre. Cela pourrait causer une hypertonicité de ce groupe musculaire et réduirait sa capacité à se contracter de manière optimale, ce qui peut mener à différents problèmes tels que des maux de dos, des hémorroïdes ou encore de l’incontinence. Josée indique qu’une façon simple de prévenir des désagréments est d’exécuter des demi-squats.

Écouter son corps et s’adapter

« Pour moi, le premier trimestre a été le plus difficile, notamment au niveau de mon énergie. J’ai été fatiguée et j’ai eu de multiples épisodes de maux de cœur. »

« Certaines journées, j’ai priorisé les siestes au lieu de m’entrainer. Et, bien que j’avais l’habitude de m’entrainer cinq à six fois par semaine, j’ai réduit la cadence à trois ou quatre fois pour trouver un certain équilibre entre repos et dépenses énergétiques. »

« Personnellement, puisque mon ventre se développe davantage vers l’avant, j’ai aussi expérimenté des poussées de croissances saccadées, qui créaient de fortes tensions au niveau de mes obliques. Lorsque ça arrivait, je privilégiais une série d’étirements à un entrainement régulier. »

Mettre l’accent sur le bien-être plutôt que sur la performance

Josée nous fait remarquer qu’on perçoit encore la future mère comme une superfemme lorsqu’elle accomplit des mouvements difficiles, ou lorsqu’elle atteint des records personnels dans ses mouvements de force ou dans ses distances et temps de course. En réalité, elle risque de faire plus de mal que de bien à son corps. Est-ce que ces moments de « victoire » en valent réellement le risque ?

« On note toutefois plusieurs bienfaits à maintenir ou adopter un mode de vie actif et adapté pendant la grossesse : l’amélioration de la posture, de l’énergie, de l’estime de soi, une meilleure oxygénation de maman et de bébé, la prévention des pathologies de grossesse ainsi qu’une meilleure récupération post-partum en sont de très bons exemples. »

Une crainte souvent exprimée par les femmes lors de la grossesse est celle qui associe la pratique sportive à une augmentation du risque de fausse couche. Est-ce que c’est le cas pour toi ?

« Selon les recherches, l’activité physique ne contribue pas à provoquer des fausses couches. C’est une fausse croyance. »

Josée explique que l’activité physique augmente la circulation sanguine faisant en sorte d’accélérer le processus d’évacuation d’un fœtus qui présenterait une malformation et que le corps chercherait à éliminer de toute façon. Donc, en réalité, c’est ce qu’on pourrait considérer comme une manière saine d’éliminer un fœtus présentant des anomalies. L’activité physique mal gérée fait seulement mal au corps de la femme, pas au bébé. La grossesse va mener à certains changements physiques, mais peu importe les douleurs engendrées, celles-ci n’atteindront pas le fœtus.

Bénéficies-tu d’un encadrement particulier ?

« Je me suis fait le cadeau d’un cours privé d’entrainement spinal, à raison de trois fois par mois avec Émilie Fecteau , kinésiologue et ostéopathe spécialisée en périnatalité, diplômée de l’UdeM. »

Le cours consiste en des exercices thérapeutiques pour les femmes enceintes qu’elle pratique à titre de complément à son entrainement physique. Pour ses questions plus spécifiques, elle a conservé un bon lien avec la professeure du cours. C’est sa ressource la plus spécialisée niveau entrainement durant sa grossesse.

Josée s’est d’ailleurs procuré le livre d’Émilie Fecteau, « Les 75 exercices thérapeutiques pour la future et nouvelle maman » , un ouvrage détaillé d’exercices adaptés non seulement à la grossesse, mais aussi au retour à l’entrainement régulier post-accouchement.

À l’ère des médias sociaux, toi qui es très ouverte par rapport à ton entrainement pendant ta grossesse sur tes plateformes personnelles, sens-tu devoir déconstruire certaines perceptions entourant le sujet ?

« Non. Au contraire, les commentaires que je reçois sont plutôt enthousiastes ! Les gens sont agréablement surpris de voir que je suis capable d’exécuter ces entrainements malgré ma grossesse. Même si je fais le choix de pratiquer des exercices plus simples présentement et que je ne suis pas au sommet de ma forme, je suis fière de démontrer qu’on peut tout de même maintenir une certaine cadence d’entrainement. Et je me rends compte que les gens en sont admiratifs ! »

« Ceci dit, je pense que je ne reçois pas de commentaires négatifs parce que j’ai été en mesure de montrer au public que j’adapte mon entrainement convenablement aux besoins et limitations qu’impose une grossesse. »

En ce qui a trait au CrossFit plus particulièrement, Josée pense qu’il y a certaines athlètes qui n’arrivent pas, une fois enceinte, à centrer leurs efforts sur le bien-être au lieu de la performance. Elles continuent à réaliser des mouvements d’impact et à soulever des charges trop lourdes, mettant leurs corps à risque, et obtiennent ainsi mauvaise presse auprès du public.

« En fait, ces femmes de renom qui détiennent la chance d’inspirer et de guider deviennent malheureusement des sources d’informations erronées quant à l’approche périnéale à adopter. »

Psst ! Tu peux suivre Josée Bélanger via le compte @josyb14 sur Instagram !

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